Il existe des ouvriers en maçonnerie qui travaillent tellement bien qu’ils ont muré des loges dans lesquelles ils se rassemblent. Ainsi logés, ils peuvent chuchoter entre eux sans être entendus ou dérangés par tous ceux qui n’y sont pas.
Pourtant leur théâtre principal est au grand jour, en plein centre de Paris, dans un très joli hôtel particulier de la rue Cadet. Ce site a même l’appellation de Musée de France. On peut donc le visiter. Richement décoré. C’est plein de signes bizarres partout, on se croirait dans un film genre « Le 5e Élément » mais sans Bruce Willis.
Ces ouvriers sont très liés les uns aux autres et se reconnaissent entre eux, dans n’importe quel lieu et dans n’importe quelle circonstance. Une certaine poignée de mains, quelques points et quelques mots échangés suffisent.
L’atout majeur d’être logé chez eux, c’est que l’un va tout faire pour aider l’autre. Par exemple lui donner un chantier, un boulot, du ciment ou la truelle qui va avec lorsqu’il n’y a pas moyen de faire mieux. Dans tous les cas, il y en a toujours un qui va faire quelque chose pour aider l’autre.
Ça c’est sympa. Pour tous ceux qui sont là, dans la cimenterie. Mais pas pour ceux qui n’y sont pas, bien qu’ils en aient aussi le besoin.
Pas très sympa cette attitude qui prend parti pour ou contre quelqu'un ou quelque chose, sans soucis de justice ni de vérité.
Malgré le secret qui les entoure quelque peu, on apprend des choses de temps en temps.
Par exemple celui qui cimente à un poste très important dans un gouvernement, qui a aidé un compagnon dans une administration, lequel en a aidé un autre dans une autre administration, et ainsi de suite. On aide dans la magistrature, dans certains services de la police, dans les ministères, dans les mairies, dans de grandes entreprises publiques, et même au Sénat et à l’Assemblée Nationale.
Ça cimente dur un peu partout, à droite comme à gauche, peu importe la religion, tout ceci depuis le haut de la cimenterie. Une vraie toile d’araignée, en ciment.
Et cela engendre un monceau d’arrangements très particuliers échappant à la transparence de la vie publique.
Les rites et les costumes ça peut faire rire, ainsi que les objets et signes bizarroïdes aussi d’ailleurs. Mais pour ce qui est du fonctionnement de la cimenterie il n’y a pas de quoi en rire, car elle dépossède des choses de la vie toute personne qui ne maçonne pas.
On appelle ça de la ségrégation sociale, qui existe bien que toute ségrégation soit combattue avec ferveur ces derniers temps.
Il semblerait néanmoins que la déception de certains ouvriers sur l’impossibilité d’accéder à un emploi ou à un service après quelques mois ou années de servitude, ajoutée à la diversité des loges qui se concurrencent, auraient fait baisser leurs effectifs ces derniers temps.
Il y en a donc quelques uns qui sont partis chercher un service ailleurs …